L'étude des procédures mises en œuvre par les scripteurs novices ne s'est pas toujours faite et ne se fait pas encore systématiquement en considérant l'incidence possible des pratiques scolaires. En témoigne le point de vue énoncé par différents auteurs. Ainsi, en 1987, M. Fayol et B. Schneuwly avançaient qu' « on ne peut exclure à priori un effet des interventions didactiques, jusqu'alors ignorées en tant que variables de "commande" » (1987, 227). Une dizaine d'années plus tard, C. Fabre-Cols invitait à poursuivre la saisie du travail effectif du sujet scripteur et notamment l'étude de « l'écriture accompagnée » dans la classe (2002). Plus récemment, C. Doquet refermait son ouvrage sur l'écriture débutante par ce propos : « [l]'observatoire que forment les reconstitutions de l'écriture en temps réel permet de mieux connaitre certains [des] rouages [de l'écriture scolaire]. Á la didactique de s'en emparer maintenant » (2011, 205).

Poursuivre l'étude des procédures scripturales dont sont effectivement capables les élèves, dans une perspective résolument didactique, demande de ne pas isoler la dynamique scripturale ou le processus rédactionnel comme le font davantage et de façon très productive la linguistique ou la psychologie cognitive. L'apport potentiel de la didactique se situe dans l'observation des manières d'opérer des sujets scripteurs, prises dans leur intrication avec les réalités scolaires.

Au sujet de l'entrée en écriture, s'intéresser à l'activité des élèves et questionner leurs capacités et les conduites qu'ils déploient pour démarrer leur écrit se font en étudiant également le contexte scolaire, la tâche disciplinaire engagée, l'action de l'enseignant et du groupe classe ainsi que leurs interactions. Ce point de vue demande notamment d'étudier les conditions ou les paramètres scolaires susceptibles d'œuvrer aux apprentissages des manières de démarrer l'écriture. La mise en place de ces conditions, dans plusieurs empiries, permet en retour de produire des connaissances sur les procédures des élèves en situation d'enseignement d'une approche temporelle et réflexive de l'écriture, dès son démarrage.

Cette étude du système didactique permet par ailleurs de mettre au jour des zones de tensions professionnelles à considérer dans une visée épistémologique et pragmatique. Comment par exemple tenir compte de la dimension idiosyncrasique de l'écriture et du caractère récursif de la planification alors que pour enseigner en classe entière, il est plus tenable pour l'enseignant d'homogénéiser le guidage proposé aux élèves et de l'inscrire dans une temporalité prédéfinie ?

Cette communication prendra appui sur quatre expérimentations relatives à l'entrée en écriture menées au total dans six classes de fin d'école primaire, chacune sur un empan temporel d'une année scolaire. Les données considérées seront, outre les écrits successifs des élèves, l'enregistrement de séquences de classe, la transcription d'entretiens d'explicitation menés auprès des élèves et des évaluations de leurs compétences à l'écrit.

Bibliographie

Doquet, C. (2011). L'écriture débutante. Pratiques scripturales à l'école élémentaire. Rennes, PUR.

Fabre-Cols, C. (dir.) (2002). Réécrire à l'école et au collège. De l'analyse des brouillons à l'écriture accompagnée. Paris, ESF.

Fayol, M. et Schneuwly, B. (1987). La mise en texte et ses problèmes. In. J.-L. Chiss, J.-P. Laurent, J.-C. Meyer, H. Romian et B. Schneuwly (Ed.), Apprendre/enseigner à produire des textes écrits : actes du 3e Colloque international de didactique du français, Namur (pp. 223-239). Bruxelles, De Boeck.

Kervyn, B. et Faux, J. (2014). Avant-texte, planification, révision, brouillon, réécriture : quel espace didactique notionnel pour l'entrée en écriture, Pratiques, 161-162. http://pratiques.revues.org/2172