Cette communication interroge l'enseignement-apprentissage de l'écriture à l'école maternelle à travers la mise en œuvre du texte libre. Elle s'appuie sur une recherche en cours qui explore les pratiques de (co)formation d'un groupe de professeurs des écoles. Ce groupe, qui a d'abord travaillé à la constitution d'une équipe pédagogique pour un futur établissement scolaire, forme aujourd'hui l'équipe d'une école publique ouverte en septembre 2022 à Lille (Souplet, 2023).

Les enseignant·es de cette école manifestent un intérêt particulier pour les pédagogies alternatives ou innovantes (Reuter, 2021) et ont intégré dans leurs pratiques divers outils et dispositifs, tels que les conseils d'élèves, le plan de travail, ou encore le « quoi de neuf ». Parmi ces dispositifs, le texte libre occupe une place centrale. Inspiré de la pédagogie Freinet, il est proposé dans toutes les classes de l'école, de la maternelle à l'élémentaire (pour des élèves de 3 à 10 ans), selon des modalités adaptées à chaque tranche d'âge.

L'Institut Coopératif de l'École Moderne (ICEM) définit le texte libre comme « une technique consistant à amener les enfants à écrire sous leur impulsion propre, libérés des contraintes de sujet, de genre, de forme... habituellement imposées à l'école ». Selon Freinet (1947), le texte libre repose sur trois caractéristiques fondamentales : 1) « le texte libre doit être vraiment libre » ; 2) « le texte libre doit être motivé » ; 3) le texte libre « doit être exploité pédagogiquement mais sans dogmatisme scolastique ». Pour Freinet, la pratique du texte libre serait particulièrement adaptée à l'école maternelle car « l'enfant arrive neuf et confiant, habitué à l'expression libre de la famille et de la rue ».

Dans cette étude, nous avons choisi de nous intéresser à la pratique du texte libre dans les classes de moyenne et grande section de maternelle (4-5 ans). Cette pratique, qui se déroule pendant la pause méridienne, se caractérise par une interaction duelle entre l'enseignant et l'élève : l'enfant choisit le sujet, puis dicte son texte à l'adulte, qui s'occupe d'en encoder les productions orales. L'enseignant aide l'élève à structurer sa pensée et à formuler un texte « lisible/ acceptable », respectant les règles orthographiques et grammaticales et les critères de textualité (cohésion, cohérence...). Bien que le texte libre ait fait l'objet de nombreuses études mettant en lumière ses bénéfices et ses limites (Bishop, 2019; Clanché, 2009; Vergnioux, 2001), peu de recherches, à notre connaissance, se sont intéressées à cette pratique spécifique au sein de l'école maternelle.

Comment concilier expression libre, spontanéité et respect des normes avec de jeunes apprenants ? Comment éveiller chez eux le besoin d'écrire et de s'exprimer ? Quels types de textes les élèves de maternelle produisent-ils ? Quels objectifs d'apprentissage les enseignantes assignent-elles à cette activité ? Quelles sont leurs attentes et leurs représentations de l'écriture ?
Pour appréhender la réalité de cette pratique au sein de l'école, l'analyse s'appuiera sur l'observation de séances d'écriture menées dans trois classes de maternelle, sur un corpus de textes libres produits par les élèves, ainsi que sur des entretiens semi-directifs avec les enseignantes.

Références bibliographiques :

Bishop, M.-F. (2019). L'enseignement de l'écriture à l'école primaire française de 1880 aux années 2000. In B. Kervyn, M. Dreyfus, & C. Brissaud (éds.), L'écriture dès le début de l'école primaire. PUB.

Clanché, P. (2009). Anthropologie de l'écriture et pédagogie Freinet. PUC.

Freinet, C. (1947). Le Texte libre, Cannes, CEL (Brochures d'éducation nouvelle populaire n°25).

Reuter, Y. (2021). Comprendre les pratiques et pédagogies différentes. Berger-Levrault.

Souplet, C. (dir.). (2023). La coformation des enseignants. L'Harmattan.

Vergnioux, A. (2001). Le texte libre dans la pédagogie Freinet. Repères, 23, 151-168.