Cette communication vise à rendre compte d'un processus allant d'observations de terrain au questionnement des discours théoriques (Danan 2002, Petitjean 2006, Ailloud-Nicolas 2008, Schröpfer 2009, De Guardia-Parmentier 2009, Biet-Triau, 2009, Bionda 2018) et des pratiques didactiques (Bernanoce 2013, Ailloud-Nicolas 2013, De Peretti 2013) préconisées à propos de la lecture du texte de théâtre. Un premier travail s'est intéressé aux conditions d'efficacité des dispositifs permettant aux élèves d'appréhender au mieux la théâtralité du texte dramatique, d'acquérir un « imaginaire de la scène » (Bernanoce 2006), de considérer son « devenir scénique » (Sarrazac 2005). Cette première expérimentation a permis de recueillir des données à la fois de manière longitudinale par le suivi d'élèves sur quatre années ainsi que transversalement par la comparaison d'une cohorte de même niveau. A chaque fois, il s'est agi de confronter les élèves avec un enseignement ordinaire à ceux ayant suivi des dispositifs spécifiques (lecture dramaturgique, scénographie, analyse de spectacles, mise en voix/en espace). Si les résultats obtenus ont montré une certaine efficience de l'enseignement spécifique dans la prise en compte de la nature propre au texte dramatique, plusieurs éléments m'ont amenée à nuancer ce constat. Le suivi des élèves sur plusieurs années a révélé ce qui pouvait paraître comme une certaine fragilité des acquis : certes l'appel à la scène se manifestait davantage, toutefois les images convoquant une réalité étaient encore très présentes. Ces résultats étaient confirmés par la confrontation des productions d'élèves de même niveau. Aussi m'importait-il d'en identifier les causes : conséquence logique d'un dispositif croisé peu de fois dans la scolarité ou d'autres facteurs plus profonds étaient-ils en jeu ? Des données recueillies auprès de lecteurs experts ont orienté la recherche vers la deuxième hypothèse : leurs réponses montraient de nombreuses similitudes avec celles des élèves. Dès lors, les discours théoriques sur la lecture du théâtre ont été revisités à la lumière de ces résultats. En appui sur la conception de l'acte de lecture comme une alternance de plusieurs régimes (Picard 1986, Jouve 1992, Gervais 2004, Tauveron 1999, Bucheton 1999, Rouxel 2004), une nouvelle modélisation de la lecture du théâtre a été proposée, fusionnant lecture dramaturgique (Danan 2010), lecture littéraire (Dufays 2006) et lecture subjective (Langlade 2007) telles qu'elles sont oridinairement définies. Il fallait en outre interroger les gestes professionnels mis en œuvre. De fait, il est apparu manifeste que les dispositifs mis en place ne permettaient pas à l'élève de conscientiser ses processus et stratégies de lecture (Goigoux-Cèbe 2018). Aussi, la seconde expérimentation s'est notamment appuyée sur les péceptes de l'enseignement explicite (Cèbe-Rayou-Bernardin 2015, Bocquillon et alii 2020) afin de mieux mettre en lumière les régimes de lecture adoptés et que l'élève prenne appui dessus pour progresser. Les seconds résultats obtenus ont sans équivoque montré la pertinence du dispositif proposé et de la modélisation. C'est ce parcours qui part du terrain et des élèves pour remonter à la théorie, qui prend en compte tant l'expérience de réception que les modes d'apprentissage du lecteur et l'agir enseignant dans le scénario didactique, que je souhaiterais exposer.

BERNANOCE M. (2013), « Pourquoi et comment lire du théâtre en classe de collège ? Des chemins à baliser pour le contemporain, mais aussi pour le passé », Lire au collège 93.

DE GUARDIA J., PARMENTIER M. (2009), « Les yeux du théâtre. Pour une théorie de la lecture du texte dramatique », Poétique 158.

JORRO A., CROCÉ-SPINELLI H. (2010), « Le développement de gestes professionnels en classe de français. Le cas de situations de lecture interprétative », Pratiques 145-146.