Notre proposition s'inscrit à la suite des travaux s'intéressant à l'efficacité des pratiques d'enseignement et signalant un effet positif de l'usage de la métalangue grammaticale lors des dictées métacognitives (Brissaud & alii, 2016). Nous nous intéressons ici à l'usage de cette métalangue par des élèves de CE1 (2ème primaire) et à son utilisation par les enseignants dans un dispositif didactique de dictée réflexive.

Les résultats présentés sont issus de notre recherche menée auprès de 117 élèves de CE1 (REP et hors REP) visant à examiner les effets de la dictée révisée (Wattelet-Millet & David, 2022) sur leurs habiletés métalinguistiques et, plus particulièrement, morphographiques. Dans ce dispositif, les enseignants amènent les élèves à réviser les graphies produites en argumentant leurs choix au moyen de raisonnements grammaticaux précis, entre autres pour catégoriser (ex : pluriel), classer (ex : déterminant) et établir des relations morphosyntaxiques (ex : accorder). Nous montrerons ainsi que la dictée révisée améliore les procédures morphographiques des élèves et que l'usage d'une métalangue grammaticale ajustée par l'enseignant favorise son réemploi.

Notre étude repose sur une méthodologie de corpus recueilli auprès de quatre classes expérimentales (CExp = 40 élèves) ayant pratiqué la dictée révisée toute l'année et de six classes témoins (CT = 77 élèves) utilisant des dictées essentiellement sommatives sans retour avec les élèves. Pour constituer ce corpus, un même ensemble de phrases a été dicté à tous les élèves trois fois dans l'année. Des entretiens « métagraphiques » (EM) (Jaffré, 1995) ont également été menés avec 18 élèves (9 dans les CExp et 9 dans les CT) lors desquels ils ont explicité leurs choix orthographiques se rapportant aux mêmes syntagmes nominaux comprenant un accord au pluriel impliquant un adjectif. Nous ne retiendrons ici que les élèves des CExp, pour lesquels nous disposons d'un double corpus composé de 480 phrases produites sous dictée et de 9 EM menés auprès de trois triades d'élèves. Pour l'analyse quantitative des écrits, nous avons retenu toutes les variantes d'un même mot et avons distingué trois niveaux de marquage du pluriel : réussi (deux -s), partiel (un seul -s) et absent (aucun -s). Pour le corpus des EM, nous avons mené une analyse de contenu et une analyse de discours afin d'identifier les métatermes utilisés par les élèves et leur fonction métalinguistique réciproque. L'extraction des métatermes a été réalisée à l'aide du logiciel Iramuteq.

Nos résultats montrent que les termes accorder et pluriel sont accessibles en CE1 et que leur utilisation a un effet positif sur le marquage du pluriel. L'analyse longitudinale des EM montre que leur sens résulte de la reformulation à un niveau plus abstrait de termes ordinaires. Pluriel reconfigure ainsi le terme plusieurs et accorder redéfinit grammaticalement les termes aller avec, aller ensemble, être d'accord. Malgré quelques variations perçues dans une CExp, nos résultats révèlent majoritairement que l'usage de la métalangue grammaticale par les élèves dépend largement des interventions de son enseignant. Pour que la reconfiguration soit effective, cet enseignant doit reformuler les verbalisations « ordinaires » des élèves et introduire conjointement la métalangue grammaticale afin de mieux assurer leur posture métalinguistique.

Bibliographie :

BRISSAUD, C. et alii (2016). Effets des pratiques d'enseignement de l'écriture en cours préparatoire, Pratiques, 196, p.85-100

JAFFRÉ, J.-P. (1995). Les explications métagraphiques, leur rôle en recherche et en didactique. Dans R. Bouchard & J.-C. Meyer (dir.), Les Métalangages de la classe de français (pp. 137-138). Paris : D.F.L.M.

WATTELET-MILLET, S., & DAVID, J. (2022). Réviser collectivement un texte dicté : effets sur les accords catégoriels en CE1. In SHS Web of Conferences Vol. 143. EDP Sciences.