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Quand faire est au-delà du dire : la multimodalité pour penser la pratique enseignante
Nicolas Gregov  1@  
1 : Universite de Liege

Dans cette communication, nous proposons un modèle d'analyse permettant de rendre compte de la multimodalité inhérente à la pratique enseignante, dimension encore peu investiguée en didactique du français (voir toutefois Taisson 2020). En nous appuyant sur la théorie de la sémiotique sociale multimodale (Kress et al. 2005), nous postulons que l'objet enseigné est mis en forme au moyen de plusieurs modalités, en particulier les paroles, les écrits, les gestes et le dessin. Ces modalités sont articulées plus ou moins explicitement par les enseignants au sein des interactions didactiques. Nous faisons l'hypothèse que trois régimes catégorisent ces rapports intermodaux selon la nature et la conceptualisation de l'objet enseigné : la complémentarité, la redondance et l'opposition sémiotique.
Dans un second temps, nous éprouvons cet outil méthodologique en l'appliquant à des données issues d'une recherche sur la grammaire scolaire en Belgique francophone. Le corpus est constitué de 20 leçons ordinaires de fin du primaire proposées par cinq enseignantes, leçons qui ont été filmées et intégralement retranscrites. Nous nous focaliserons sur deux résultats saillants de l'analyse. D'une part, celle-ci démontre que les rapports d'opposition concernent des aspects flottants de l'objet enseigné, ce qui conduit à des incompréhensions du côté des apprenants. Ainsi, l'une des enseignantes observées exprime l'« enchâssée de phrase » tantôt comme une subordonnée (modalités gestuelle et scripturale), tantôt comme une unité distincte des autres propositions (modalités diagrammatique et verbale). De l'autre, par l'étude des rapports de redondance, nous avons accès à la conceptualisation des enseignants sous-jacente à l'ensemble des productions sémiotiques. Or, il ressort de l'analyse qu'en Belgique francophone, la conceptualisation des objets grammaticaux n'est encore que partiellement en phase avec le paradigme de la « grammaire rénovée » (Bulea Bronckart et Elalouf 2016). Seules certaines fonctions (le complément du nom, l'épithète, l'attribut du sujet) impliquent en effet une dimension relationnelle entre les unités (p.ex. usage de flèches), alors que la logique d'étiquetage traditionnelle reste encore solidement implantée, ce qui nuit à l'apprentissage de la langue en tant que système.
Références. Bulea Bronckart E. et Elalouf M.-L. (2016). « Contenus et démarche de la grammaire rénovée », in Chartrand S.-G. (éd.), Mieux enseigner la grammaire. Pistes didactiques et activités pour la classe. Montréal : ERPI, 45-79. Kress G. et al. (2005). English in urban classrooms. A multimodal perspective on teaching and learning. London : Routledge. Taisson C. (2020). « La matérialité aux mains de l'enseignant·e comme outil au service du parcours littéracique des élèves entre 5 et 8 ans : l'usage du tableau interactif en question », Forum Lecture, 1-32.


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