Dans le cadre de ce colloque interrogeant l'accompagnement du travail enseignant, nous proposons d'analyser un projet de recherche participative initié dans le cadre d'un « laboratoire de français », implanté en Ariège en 2023-2024, dans la circonscription de Lavelanet, sous l'impulsion d'une IEN et d'une IPR de Lettres et regroupant des enseignants des 1er et second degrés avec deux chercheuses de l'INSPE.
L'objectif de la première année du laboratoire était de créer la dynamique du groupe en axant la réflexion sur l'enseignement de la lecture littéraire, notamment en promouvant la mise en œuvre du dispositif du journal de personnage, pour développer la compétence fictionnelle des élèves (Schaeffer, 1999), à savoir leur capacité à s'immerger dans la fiction et à exercer leur capacité d'empathie fictionnelle à l'égard des personnages (Oatley, 2012 ; Larrivé, 2015).
Notre communication jettera un regard rétrospectif sur le protocole de collaboration adopté en cette première année, pour mesurer quels écarts apparaissent, au prisme du travail mené, entre les éléments théoriques convoqués pour justifier le dispositif innovant proposé par les chercheuses, et la saisie qu'en ont les enseignants et conseillers pédagogiques participant au groupe.
Nous présenterons rapidement le protocole, conçu à partir de l'expérimentation de l'écriture en « je » fictif par les enseignants eux-mêmes. Ainsi, dès la première réunion plénière du laboratoire, il leur est proposé d'écrire un journal de personnage pendant la lecture collective de l'album de littérature de jeunesse Eva au Pays des fleurs. L'idée est de mettre les enseignants en situation non seulement d'éprouver l'empathie fictionnelle à l'égard du personnage d'Eva, mais également, par l'écriture, de conscientiser ces phénomènes empathiques. La discussion qui s'engage entre enseignants suite à cette mise en activité ouvre la place à l'expression de la surprise, du doute, du plaisir et/ou du déplaisir, et permet d'anticiper des réactions d'élèves. L'activité éprouvée facilite la suite du protocole liée à l'expérimentation en classe d'un dispositif d'écriture en « je » fictif similaire, à partir d'un album au choix parmi une liste proposée. Lors de la deuxième rencontre, des ateliers se mettent en place, pour élaborer par groupes, un dispositif de journal de personnage adapté à l'album choisi et au niveau de classe concerné. Une dizaine d'enseignants mettent ensuite en œuvre dans leur classe la séquence ainsi élaborée.
L'analyse du protocole s'appuiera sur un questionnaire proposé aux enseignants avant la première rencontre, ayant permis d'établir un état des lieux des pratiques déclarées en amont du projet. Elle sera complétée par des entretiens semi-directifs menés, après la reprise des activités du laboratoire, et proposés aux enseignants ayant effectivement mis en œuvre le journal de personnage dans leur classe en 2024. Nous tenterons d'observer quelles connaissances d'ordre théorique et didactique ont été acquises avec ce protocole basé sur une approche expérientielle, personnelle et professionnelle, du dispositif du journal de personnage, et donc d'en mesurer les effets.
LARRIVE V. (2015). Empathie fictionnelle et écriture en « je » fictif. In Dezutter et Dufays. Explorer les lieux et les temps de la lecture. Repères 51. ENS Ed.
OATLEY K. (2012). Les romans renforcent l'empathie. Cerveau & Psycho. n° 51. Mai-juin 2012. 64-69
SCHAEFFER J.-M. (1999). Pourquoi la fiction ? Paris : Seuil.