Dépôts par auteur ou autrice > Kerrita Abdenbi

Aujourd'hui, l'entrée à l'université implique, pour les étudiants, de s'approprier des pratiques littéraciques de base (Chabanne & Bucheton, 2002) permettant l'accès aux savoirs et l'appropriation de manières d'être, de faire et de penser à l'intérieur des disciplines. En effet, au cœur de ces pratiques, l' « oral réflexif » (Plessis-Bélair, 2008) occupe une place de choix dans les prescriptions institutionnelles, et apparaît comme une compétence essentielle non seulement pour la réussite des étudiants, mais aussi pour leur insertion professionnelle. À l'université marocaine, dès leur entrée, les étudiants se trouvent confrontés à de nouvelles pratiques, éloignées de celles auxquelles ils sont initiées dans les cycles d'enseignement antérieurs : exposé oral, compte rendu oral de textes lus, résumé oral, conversation, débat, etc. Dans le cadre du module « Langue et Communication », standardisé à l'échelle de toutes les universités, et inscrit dans la longue tradition des TEC, il s'agit « d'acquérir des connaissances en techniques d'expression et de communication de plus en plus approfondies », « d'apprendre quelques règles de base de la communication en public », et « de maîtriser le contact avec l'interlocuteur ou l'auditeur ». Le volume horaire consacré à l'oral est de 70h par semestre. Néanmoins, les cours proposés, associés étroitement au CECRL, sont souvent centrés sur les pratiques de l'écrit oralisé et développent un rapport trop « grammatisé » à la langue, ce qui empêcherait les étudiants de s'approprier des pratiques langagières réflexives nécessaires à l'entrée dans les « littéracies universitaires » (Pollet, 2014 ; Scheepers, 2023). 

La réflexion que nous proposons s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'un enseignement plus innovant, axé sur le développement des pratiques langagières réflexives à l'École Normale Supérieure (ENS) de Marrakech et conçu comme une alternative aux techniques d'expression et de communication : comment, sous quelles formes et pour quels objectifs les pratiques de l'oral se mettent-elles au cœur de la formation d'enseignants de français au secondaire ? Après avoir brièvement décrit le contexte de formation des enseignants de français à l'ENS, nous analyserons la pratique dominante de l'exposé (Colognesi & Dumais, 2020), en interrogeant la conception de l'oral qu'elle véhicule, les compétences qu'elle permet de développer, ainsi que la représentation de l'argumentation qu'elle produit, à travers une enquête menée auprès de 21 formateurs, chargés de cours de « sciences de l'éducation », de « didactique générale » et de « didactique du français », dans le cadre de la « Licence d'éducation, spécialité enseignement secondaire ». L'analyse qualitative des pratiques déclarées de ces formateurs mettra en avant la place de l'oral dans leurs pratiques, les besoins qu'ils identifient quant à la formation par cet outil spécifique, leur perception de l'exposé comme genre d'oral réflexif, les outils et gestes didactiques mobilisés, ainsi que les difficultés rencontrées par les étudiants dans la prise de parole en contexte universitaire. 

 Bibliographie

Chabanne, J. & Bucheton, D. (2002). Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire: L'écrit et l'oral réflexifs. Presses Universitaires de France.

Colognesi, S. & Dumais, C. (2020). L'exposé oral enregistré par les étudiants comme alternative à l'exposé oral en présentiel. Quels bénéfices et points d'attention ? Journal international de recherche en éducation et formation, Numéro Hors-série, 1, 67-76.

Plessis-Bélair, G. (2008). En contexte d'oral réflexif : Étayage, risque et motivation. Québec français, 149, 75-76.

Pollet, M.-C. (2014). L'écrit scientifique à l'aune des littéracies universitaires. Approches théoriques et pratiques. Presses universitaires de Namur.

Scheepers, C. (2023). Former à l'oral, former par l'oral dans le supérieur. De Boeck supérieur.