L'apparition de l'Intelligence Artificielle Générative dans la sphère de l'enseignement-apprentissage tend depuis quelques années à redistribuer les rôles des acteurs du milieu scolaire et universitaire, tant du côté des enseignants que des apprenants. Corollairement, ce sont les limites du savoir lui-même qui se déplacent, mettant à mal la stabilité déjà relative du triangle didactique.
Notre intervention se propose d'interroger l'agir professionnel de l'enseignant, en tant qu'il fait appel à des ressources collectives et des capacités individuelles [Bronkart et al., 2005]. Si certaines études insistent sur le fait que les IA devraient permettre aux enseignants « libérer du temps qu'ils pourront investir dans d'autres tâches, telles que l'apport d'un soutien plus efficace à chaque élève » [Fengchun & al, UNESCO, 2021 in FUN – MOOC « Utilisation de l'IA dans l'enseignement »], d'autres soulignent la circonspection des enseignants [Moinard, 2024] et le tâtonnement parfois inquiet des étudiants face à ces nouveaux outils [Darvishi et al., 2024]. Voit-on d'ores et déjà se dessiner de nouveaux modèles disciplinaires en actes [Garcia-Debanc et Lordat, 2007] ?
Notre objectif sera double :
(i) Nous nous attacherons à cartographier les pratiques et représentations en matière d'IA d'une cohorte d'étudiants en Master MEÉF 1er degré (Métiers de l'Enseignement, de l'Éducation et de la Formation) de l'INSPÉ de Lille Hauts-de-France. Les données, appréhendées d'un point de vue quantitatif et qualitatif, seront recueillies via un questionnaire en ligne combinant dix questions ouvertes ou fermées, portant sur les connaissances et la perception de l'IA générative, ainsi que son usage dans le cadre de la pratique enseignante. La cohorte sera constituée de l'ensemble étudiants du site de formation de Villeneuve d'Ascq, qui rassemble 337 étudiants de M1 et 327 M2, se préparant à exercer le métier de professeur des écoles, et déjà ponctuellement en prise avec la réalité du métier.
(ii) Nous nous proposons ensuite d'examiner la pertinence de l'outil NOLEJ IA, qui figure sur les sites académiques parmi les ressources enseignantes permettant de générer du contenu pédagogique interactif et différencié, à partir d'un document écrit ou sonore. Nous utiliserons pour cela l'album Crapaud de Ruth Brown, qui constitue un support potentiellement pertinent eu égard aux attendus institutionnels pour le cycle 2 de l'école primaire, notamment en ce qui concerne le développement des compétences lexicales des élèves [Cellier, 2008] et l'appropriation des codes du discours descriptif. L'analyse reposera sur la comparaison entre les ressources générées par l'intelligence artificielle et les dispositifs conçus par l'intelligence humaine en faisant le pont entre linguistique et didactique.
Bibliographie sélective
Bronckart, J.-P., Bulea, E. & Pouliot, M. (eds), (2005), Repenser l'enseignement des langues : comment identifier et exploiter les compétences. Presses universitaires du Septentrion.
Cellier M. (dir) (2008). Guide pour enseigner le vocabulaire à l'école primaire. Paris : Retz.
Darvishi A., Khosravi H., Sadiq S., Gašević D., Siemens G. (2024), « Impact of AI assistance on student agency », Computers & Education, Volume 210.
Fengchun M., Wayne H., Huang R., Zhang H. (2021), IA et éducation : guide pour les décideurs politiques. Paris : UNESCO.
Garcia-Debanc, C., & Lordat, J. (2007), « Les modèles disciplinaires en actes dans les pratiques effectives d'enseignants débutants », in É. Falardeau, C. Fisher, C. Simard & N. Sorin (eds.), La didactique du français. Les voies actuelles de la recherche. Lévis, Québec : Presses de l'Université Laval. 43-61
Moinard, P. (2024), « Des professeurs de lettres confrontés à l'arrivée des IA génératives. Un ‘tournant' sans visibilité », Le Français Aujourd'hui 226, Des robots dans la classe. Paris : Armand Colin. 13-26.