Cette intervention examinera les relations entre les pratiques enseignantes et l'activité des élèves dans le cadre des travaux sur les écritures « approchées », également comprises en termes d'écritures « inventées », « tâtonnées » ou « essayées » (David & Morin 2013). Cette étude se situe également dans le cadre des recherches internationales à visée didactique qui montrent que ces écritures ou « orthographes » approchées ont un impact positif sur l'acquisition de la lecture-écriture (Montésinos-Gelet & Morin 2006).
L'objectif principal de notre recherche est de montrer comment des situations régulières d'écritures approchées amènent de jeunes élèves à comprendre et mettre en œuvre les composantes du plurisystème orthographique du français. Nous nous intéresserons tout particulièrement aux interactions langagières entre enseignant.es et élèves qui permettent de générer des explications métagraphiques (Jaffré, 1995).
Nous présenterons une partie des résultats qui comparent trois pratiques enseignantes différentes et leurs effets sur les activités langagières des élèves. Les enseignantes d'une école (trois classes « référentes » CRéf) ont été formées à la pratique de séances d'écritures approchées, c'est à dire des écrits avec un étayage de l'enseignant, les explications des élèves et un retour à la norme orthographique. Dans l'autre école, six classes sont caractérisées par l'absence de séances d'écriture-encodage autonome (classes « témoins » CTém) et quatre classes où des séances d'écriture autonome ont été pratiquées mais sans formation préalable (classes « autonomes » CAut). Ces données reposent sur le recueil et l'organisation d'un triple corpus constitué de six-cent-vingt écrits et autant d'échanges oraux des mêmes élèves au préscolaire français. Ces élèves ont été suivis tout au long d'une année de grande section (3ème du préscolaire) et au début du cours préparatoire (1ère primaire) dans deux écoles en réseau d'éducation prioritaire (REP), dans la grande banlieue ouest de Paris.
Les résultats de la recherche montrent que la quasi-totalité des jeunes scripteurs des CRéf et des CAut « approchent » les différentes composantes linguistiques du système écrit (mais aussi oral) du français. En revanche, les élèves des CTém sont très peu nombreux à utiliser des procédures phonographiques. La différence la plus importante reste dans le nombre d'explications métalinguistiques qui restent tres faibles dans les CAut (et pratiquement inexistantes dans les CTém) au regard de celles des CRéf.
Les résultats soulignent la nécessité d'accompagner et de former sur le terrain les enseignants pour leur permettre un travail réflexif afin de maitriser les connaissances linguistiques nécessaires, de développer des actions didactiques et des modalités d'étayage entrainant des interactions langagières à visée linguistique. In fine, notre étude met en évidence la nécessité de développer davantage les pratiques précoces d'écritures approchées pour permettre aux élèves de développer des compétences métalinguistiques génératrices d'apprentissages ultérieurs, d'autant plus auprès d'élèves issus des milieux populaires qui ne bénéficient pas dans leur environnement familial d'une exposition à l'écrit suffisante.
DAVID, J. & MORIN M.-F. (2013). Présentation : Repères pour l'écriture au préscolaire. Repères, 47, 7-17. .
JAFFRE, J.-P. (1995). Les explications métagraphiques, leur rôle en recherche et en didactique. dans R. Bouchard & J.-C. Meyer (éds), Les Métalangages de la classe de français. Lyon : AIDR-DFLM – Université Louis Lumière Lyon 2.
MONTESINOS-GELET, I. & MORIN, M.-F. (2006). Les Orthographes approchées. Une démarche pour soutenir l'appropriation de l'écriture au préscolaire et au primaire. Montréal (Québec) : Chenelière « Éducation ».